Quand on décide de se faufiler dans les coulisses du theatre Mogador, on traverse plus d’un siècle d’innovations architecturales. Cette salle a connu d’immenses succès populaires et des métamorphoses techniques qui ont fait d’elle la “maison française” des grandes comédies musicales. Édifiée en 1919 sur le modèle du Palladium de Londres, la salle appartient, depuis 2005, au groupe Stage Entertainment France, l’un des poids lourds européens du spectacle vivant. Au-delà des paillettes visibles depuis les fauteuils d’orchestre, un écosystème de régisseurs, décorateurs et musiciens œuvre chaque soir dans l’ombre : bienvenue dans les coulisses du Théâtre Mogador.
Du palace de Régine Flory à l’âge d’or de l’opérette
Quelle est l’origine du théâtre Mogador ? Eh bien, tout est parti du désir amoureux de Sir Alfred Butt. Celui qui était à l’époque le plus grand impresario anglais du début du 20ème siècle, a fait ériger la salle, à l’époque nommée le “Palace-Théâtre”, pour sa muse Régine Flory. Le 21 avril 1919, la revue Hello, Paris ! inaugure la scène et, sitôt la Première achevée, le public rebaptise la salle “Mogador”, clin d’œil aux grands ports orientaux.
Les années 1920 voient se succéder 14 opérettes dont Madame l’Archiduc d’Offenbach et La Petite Bohème d’Henri Hirshmann, transformant la rue de Mogador en épicentre populaire du bel canto léger. En 1925, les frères Isola – transfuges des Folies Bergère – reprennent la direction et affirment un credo : des prix accessibles et un orchestre permanent pour démocratiser l’opérette. Le succès est tel que Mistinguett, reine des music-halls, y mène revue en 1937, avant que Tino Rossi ou Marcel Merkès n’enchaînent des marathons parfois supérieurs à 8 000 représentations !
Immersion totale dans les coulisses du Théâtre Mogador et ses secrets architecturaux
Dans les bureaux backstage, un plan d’origine signé de l’architecte anglais Bertie Crewe rappelle l’obsession victorienne pour la visibilité. Ainsi, chaque siège, même au balcon, bénéficie d’un axe “face à la scène”, une prouesse qui exigeait, à l’époque, une charpente métallique sans piliers. Les rénovations de 2007 ont conservé cette disposition tout en modernisant la machinerie scénique. La salle a donc été équipée de palans motorisés, de passerelles automatisées et d’un réseau fibre interne garantissent des changements de décor en moins de trois minutes, conformément aux standards Broadway.
La fosse d’orchestre, descendue hydrauliquement au centimètre près, accueille jusqu’à 24 musiciens, tandis qu’un parc-costumes climatisé de 1 000 m² stocke plus de 9 000 pièces, des plumes de Starmania aux masques du Roi Lion. Enfin, l’auditorium de 1 600 places propose désormais une double boucle magnétique pour le public malentendant, un système de surtitrage LED et un bar écoresponsable zéro-plastique.
Diversification et années 1960-1970 : rock, variétés et premiers chocs “modernes”
Après la Seconde Guerre mondiale, les coulisses du theatre Mogador résonnent d’une programmation kaléidoscopique. La première comédie musicale arrive à Mogador en 1969 avec « Monsieur Pompadour » de Claude Bowling et Françoise Dorin. Suivent d’autres comédies musicales : « Hello Dolly » en 1972 avec Annie Cordy, « Douchka » en 1973 avec Charles Aznavour, ou encore « La Révolution Française » en 1974.
Et suite à une période difficile marquée par diverses fermetures, Mogador fait peau neuve. Après soixante deux années d’exploitation, la salle est restaurée et comporte alors 1792 places assises et offre un point de vue dégagé de toutes parts : il n’y a plus aucun pilier. La programmation va être très diversifiée : « Le Grand Avocat », d’Henri Denker, mise en scène par Robert Hossein, qui assure la réouverture du théâtre.
Entrée dans la modernité
Les années 1980 amplifient cette diversité : concerts de Higelin, Sting ou Indochine, mais aussi le Cyrano de Bergerac de Jacques Weber qui draine plus de 500 000 spectateurs. « Cabaret » de Jérôme Savary révèle Ute Lemper ; s’ensuit la production « Les Misérables » de Mackintosh. Dans le même temps, l’actrice Barbara, connue pour sa voix profonde et ses textes poignants, se bat pour que Mogador soit classé monument historique dans les années quatre-vingts. Classification partielle qui sera finalement obtenue en 1983.
De nombreuses comédies musicales vont être presentées au théâtre Mogador dans les années qui vont suivre : « Starmania », « My Fair Lady », « A Chorus Line », « Hair », « Carmen », « Notre Dame de Paris », « Emilie Jolie », « Elvis Story », « Bagdad Café », ou encore « Swan Lake » (le « Lac des Cygnes » de Matthew Bourne) qui remporte un énorme succès.
L’ère Stage Entertainment : Broadway en français et retour triomphal du Roi Lion
Le rachat par Stage Entertainment en 2005 marque un tournant industriel. La salle bénéficie d’un investissement de 10 millions d’euros pour sa modernisation. Le groupe a également conclu des contrats pour l’importation de licences Disney ou Universal, et la traduction intégrale des shows. Depuis, les coulisses du theatre mogador orchestrent un ballet logistique digne de Times Square ; le planning lumière est même élaboré à Hambourg puis envoyé par fibre optique.
Saison | Spectacle vedette | Particularité |
2007 – 2010 | Le Roi Lion | 1,15 M de spectateurs, 3 Molières |
2010 – 2012 | Mamma Mia ! | Première version française intégrale |
2012 – 2013 | Sister Act | Coproduction Whoopi Goldberg, 300 000 entrées |
2013 – 2014 | La Belle et la Bête | Décors Disney acheminés dans 16 semi-remorques |
2014 – 2015 | Le Bal des Vampires | Mise en scène Roman Polanski |
2015 – 2016 | Cats | New lyrics français, nomination Molière 2016 |
2017 – 2018 | Grease | Réouverture après l’incendie de 2016, 200 000 billets |
2019 | Ghost | Exploitation d’effets holographiques inédits |
2021 & 2024-2026 | Le Roi Lion (revival) | Version “5ᵉ saison”, ventes record prolongées jusqu’en 2026 |
Cette montée en puissance se déroule malgré un coup d’arrêt brutal. En effet, le 25 septembre 2016, un incendie sous la scène endommage plancher et cintres et contraint l’annulation du Fantôme de l’Opéra. Stage Entertainment réagit en reconstruisant intégralement la cage de scène et en installant une quinzaine de trappes motorisées destinées aux futures productions.
Suite aux rénovations, le théâtre est désormais resplendissant. Suffisamment pour accueillir la 5e saison de la pièce théâtrale Le Roi Lion. D’ailleurs, la tournée inaugurale de cette pièce a durablement redéfini les standards d’exploitation de la salle. Ainsi, la saison 2025/26 a reconduit sans surprise Le Roi Lion jusqu’au 9 août 2026