Après plus d’un siècle d’existence, la programmation du Théâtre Libre Paris a connu énormément de changement. Au milieu des innombrables monuments de cultures français, ce vénérable bâtiment du boulevard de Strasbourg a beaucoup plus à offrir qu’un simple agenda de spectacles. Il raconte cent soixante-cinq ans d’inventions scéniques, de métamorphoses architecturales et de passions populaires. Héritier de l’Eldorado des cafés-concerts, rebaptisé Comedia à l’aube du XXIᵉ siècle, puis Théâtre Libre depuis 2017, le lieu affiche aujourd’hui une identité résolument contemporaine sans jamais rompre avec son passé foisonnant.
Aux origines de l’Eldorado : un temple du café-concert (1858-1914)
Édifié en six mois par l’architecte Charles Duval à la place du manège Pellier, le théâtre est inauguré le 30 décembre 1858. Cependant, étant trop fastueuse pour être rentable, elle fait faillite dès ses débuts. Néanmoins, son aventure ne s’arrête pas là, puisque son nouveau directeur, Lorge, a l’idée géniale de supprimer la corbeille et le renouvellement obligatoire de consommation. C’est alors que naît l’Eldorado, premier grand café-concert parisien.
Thérésa y triomphe dès 1862, Antoine Renard y crée Le Temps des cerises en 1868. Ils seront tous les deux bientôt suivis d’autres stars comme Augustine Kaiser, Paulus ou Anna Judic. L’essor de la Marquise métallique (ajoutée en 1893) traduit le succès populaire ; on y projette même des films Lumière dès 1896, preuve que la salle a toujours su s’ouvrir aux technologies naissantes.
De la scène au grand écran : la métamorphose Comedia (1914-1971)
Quand la Première Guerre mondiale éclate, l’Eldorado bascule peu à peu vers la comédie légère. Après la Grande Guerre, l’engouement pour le music-hall cède la place à une restructuration totale : en 1932, l’architecte Pierre Dubreuil rase l’édifice et bâtit un palais de 2 000 fauteuils voué au cinéma, baptisé Comedia. Pendant près de quarante ans, la salle vit au rythme des avant-premières fastueuses et des blockbusters d’époque. Pourtant, à mesure que la télévision conquiert les foyers, le Comedia doit se réinventer une nouvelle fois : en 1971, le projecteur s’éteint, la fosse d’orchestre renaît, et les opérettes reviennent sur le grand plateau.
Le Comedia renoue avec le spectacle vivant : rénovations, opérettes et virage musical (1971-2016)
Inscrite partiellement aux Monuments historiques le 5 octobre 1981, la salle profite de lourds travaux d’embellissement en 1994, puis change de propriétaire en 2000. Pour des raisons juridiques le nouveau propriétaire, Maurice Molina, abandonne le nom Eldorado et choisit celui de Comedia. Le lieu se spécialise alors dans la comédie musicale et le théâtre de divertissement.
Les années 2000 voient passer Mugler Follies, Mistinguett, reine des années folles, Madiba ou Aladin, faites un vœu !, autant de productions à grand spectacle qui préfigurent la ligne artistique actuelle. En 2011, Jack-Henri Soumère, directeur de l’Opéra de Massy, devient propriétaire du théâtre. Dans la nuit du 3 au 4 octobre 2011, une partie du plafond du théâtre s’effondre.
En mars 2013, Marc Ladreit de Lacharrière (Fimalac) rachète le théâtre, en association avec Michel Lumbroso (K-WET Production), pour y produire la revue de Thierry Mugler, Mugler Follies, créée le 10 décembre suivant.
Programmation du Théâtre Libre Paris : l’ère Jean-Marc Dumontet et La Scène Libre (2017-2023)
Depuis 2017, le producteur Jean-Marc Dumontet (propriétaire de six salles parisiennes) tient la barre et confie la direction déléguée à Alexis Trias. Sous ce tandem, la grande salle (934 places) et la Petite Scène Libre (154 places) s’ouvrent à la jeune création, à l’humour engagé et aux adaptations de films cultes. Pourquoi ce choix ?
Parce qu’il fallait fidéliser un public avide d’expériences scéniques immersives sans trahir l’ADN populaire de l’Eldorado. Depuis Un été 44 jusqu’à Le Cercle des Poètes disparus (adapté pour la saison 2025), en passant par les stand-ups de Sophia Aram ou les ballets de Blanca Li, la programmation du Théâtre Libre Paris se veut un carrefour entre spectacle vivant, danse, cirque et théâtre musical.
Programmation du Théâtre Libre Paris : saison 2024-2025, chiffres et tendances
Pourquoi la saison 2024-2025 attire-t-elle déjà tant d’acheteurs de billets ? D’abord parce qu’elle mêle reprises plébiscitées et créations inédites, ensuite parce qu’elle multiplie les formats pour séduire touristes et habitués. On retrouve ce même goût des mues spectaculaires du côté de Montmartre, où la célèbre rotonde métal-verre vient tout juste de se réinventer après un chantier titanesque. Voici un aperçu des œuvre au programme actuellement sur le site officiel :
- La peinture en moins de deux heures : seule-en-scène pédagogique et jubilatoire, prolongée jusqu’en janvier 2026
- Tutu : pastille chorégraphique déjantée, programmée d’octobre 2025 à janvier 2026
- Mozart, moi ? Jamais ! : farce musicale coproduite avec le Théâtre Antoine, série d’automne 2025
- GITANS – Le Musical : création participative estivale, 30 représentations prévues
En définitive, la riche histoire du lieu explique son attrait actuel. Parce qu’elle a toujours su s’adapter aux goûts de l’époque sans renier ses racines populaires, cette salle peut afficher une programmation du Théâtre Libre Paris aussi éclectique qu’ambitieuse, assurant la continuité d’une aventure commencée sous le Second Empire et toujours vivante au cœur de la capitale.