L’origine du theatre Alhambra relève d’une véritable légende. Cette salle, née en tant que cirque impérial, est passée par l’âge d’or du music-hall avant de tomber dans l’oublie, pour ensuite être ressuscitée en 2008. Son histoire mérite donc d’être démêlée : deux bâtiments, deux époques, un même nom qui traverse l’histoire parisienne. Nous retraçons ici ce fil complexe, depuis le « boulevard du Crime » jusqu’à la scène actuelle de la rue Yves-Toudic.
Aux racines de l’origine du theatre Alhambra : du Cirque-Impérial (1866) au Théâtre du Château-d’Eau
Le premier édifice voit le jour le 11 août 1866 à 50, rue de Malte (11ᵉ), sous l’appellation Cirque-Impérial. Ses 5 000 places en font alors le plus grand chapiteau d’Europe, dirigé par Bastien Franconi, héritier de la dynastie du Cirque-Olympique. Théâtre, opéra-comique et mélodrame s’y succèdent au gré de faillites et de reprises : Hippolyte Hostein, puis les frères Cogniard rebaptisent le lieu Théâtre du Château-d’Eau en 1870 ; les Artistes associés de Bessac imposent le mélodrame à partir de 1886 ; la place prend officiellement le nom de République trois ans plus tôt.
De la scène populaire au music-hall mondain
L’arrivée du financier britannique Thomas Barrasford en 1904 marque la conversion au music-hall. L’enseigne désormais nommée Alhambra – clin d’œil à son homologue londonien – surfe sur la mode des revues américaines et détrône l’Alcazar ou la Scala. Dix ans plus tard, ses arches Art nouveau et ses balcons suspendus impressionnent un public avide de féeries. Des listes de têtes d’affiches – Mistinguett, Joséphine Baker, Maurice Chevalier – témoignent de cette effervescence artistique :
- Revue Tout Paris chante (1912)
- Tournée des Bluebell Girls (1923)
- Premiers récitals d’Édith Piaf (1936)
Ces spectacles populaires installent durablement l’Alhambra comme pilier du divertissement parisien.
Incendie, reconstruction et âge d’or de l’Alhambra-Maurice Chevalier
Un incendie ravage la salle à l’aube du 21 avril 1925. Reconstruit en un temps record sur les plans de G. Guimpel, le « temple doré » Art nouveau aligne 2 800 places, une scène de 400 m² avec ventilation et ascenseur. C’était en gros un luxe rare pour l’époque. En 1954, la directrice Jane Breteau rachète les murs à la Rank Organization et renomme l’édifice Alhambra-Maurice Chevalier, en hommage à la star maison. Toutefois, l’essor de la télévision et la fiscalité pesante scellent la fermeture définitive en mai 1967. Le goût pour l’apparat répond à une tradition de restaurations ambitieuses, à l’image de la renaissance du Théâtre de l’Odéon après ses propres sinistres.
De la friche à la renaissance contemporaine
Après quatre décennies d’abandon, le producteur Jean-Claude Auclair découvre en 2005 un théâtre ferroviaire art-déco, inexploité, à 21 rue Yves-Toudic (10ᵉ), soit à 300 mètres de l’ancien site. Non classé, sans isolation acoustique ni mention cadastrale, l’édifice exige deux ans de travaux et 3 millions d’euros d’investissement. Les travaux réalisés comptent entre autres : une maçonnerie désolidarisée du sol, des gradins escamotables, un traitement phonique, installation Meyer Sound. Le 5 avril 2008, l’Alhambra nouvelle génération ouvre avec 600 places assises – 800 en configuration debout – et programme concerts pop, world, stand-up et cinéma-concerts.
L’actuel bâtiment et l’origine du theatre Alhambra retrouvée
En réalité, l’origine du theatre Alhambra moderne est double : il puise son nom et son aura dans l’ancienne salle mythique de la rue de Malte, mais il prend corps dans l’ex-Théâtre Art déco des Cheminots, transformé en lieu culturel high-tech. Cette filiation assumée confère à la salle une identité hybride. Elle est héritière d’un passé flamboyant, mais enracinée dans un quartier vivant qui redécouvre aujourd’hui cafés-concerts et friches reconverties. Programmation éclectique, jauge modulable et acoustique soignée en font désormais un trait d’union entre mémoire populaire et création contemporaine.